Depuis l’été dernier, m3 vous propose les services de Vincent Clapasson, notre expert immobilier. Dans cet article, Vincent revient sur une question clé de l’expertise immobilière : Comment comprendre le prix et la valeur d’un bien ?
Les notions de prix et valeur sont des éléments essentiels du domaine de l’immobilier. Il est fréquent d’entendre ça et là des discussions affirmant que le prix et la valeur sont identiques, que la valeur permet de confirmer un prix, qu’un objet s’est vendu à la valeur de « x » milliers de francs, in fine qu’un amalgame entre prix et valeur soit réalisé.
Ces affirmations sont renforcées par l’apparition de sociétés prônant le modèle économétrique utilisant la quantification du passé pour illustrer le présent. Ces dernières offrent en effet une valeur de marché basée sur l’ensemble des transactions passées grâce à la décomposition du bien en de multiples caractéristiques (étage, surface, orientation, etc.).
Mais alors est-ce que la valeur de marché est toujours équivalente au prix payé ? La question serait plutôt : doit-on pouvoir systématiquement valider un prix à travers une valeur ?
La valeur vénale ou valeur de marché est souvent définie comme le prix pouvant être obtenu entre un acquéreur et en vendeur consentants et non liés dans des conditions de marché libre dans un délai de commercialisation suffisamment long (généralement 12 mois). On constate à travers cette longue définition que prix et valeur sont assimilés.
Le prix pourtant est la constatation « ex post » d’une entente entre les parties. Il s’agit alors d’un montant obtenu à un instant « t » qui satisfait les deux parties.
La valeur, en revanche, est une notion qui illustre un bien selon ses caractéristiques. Elle se doit d’être basée sur des fondamentaux et des critères les plus objectifs afin d’obtenir une évaluation juste de l’objet et une certaine durabilité des hypothèses retenues.
In fine, selon la situation, l’acquéreur et le type d’objet, ces deux notions peuvent se recouper ou non.
Pour des biens de consommation, un échantillon solide de transactions récentes permet de conserver une bonne appréciation de la valeur de marché du bien. Les tendances actuelles sont alors bien prises en compte. En revanche, que se passe-t-il si votre objet échappe aux critères les plus répandus sur le marché ou que les transactions aient fortement ralenti ces derniers mois ? L’appréciation de la valeur sera biaisée, à cause d’un modèle de prix trop ancien par rapport au marché actuel (et nous savons bien que la volatilité du marché est forte et rapide), ou par des données comparables insuffisantes pour apprécier les caractéristiques propres du bien. Ce genre de constatation peut être faite lorsque nous évaluons des objets dits moins standard (résidence secondaire, objet de luxe, mazot, objet atypique, etc.).
L’appréciation de la valeur sera alors beaucoup plus subjective. Un acquéreur qui a un coup de cœur pour une résidence secondaire au cœur des Alpes pourrait être prêt à payer un prix qu’un expert ou un modèle économétrique n’arriverait pas à valider (parce que l’incidence foncière est trop élevée, les coûts non plausibles, le cercle d’acquéreur potentiel limité, etc.). Un propriétaire qui construit un sublime palace au fin fond d’une commune sans accès, à la fiscalité peu attrayante et à la demande presque nulle, pourra-t-il se prévaloir d’une valeur équivalente au prix de revient ?
Pour des biens de rapport (ou de rendement), l’affirmation est encore plus sujette à discussion. Les modèles économétriques fluctuent plus du fait des nombreux facteurs pouvant influencer la valeur et donc le prix si l’on se réfère à la promesse. Bien évidemment, la valeur de rendement est basée avant tout sur deux critères, l’état locatif et le taux de capitalisation. Mais derrière ces deux concepts « simples », il peut y avoir des multitudes d’hypothèses qui donneront au final des valeurs qui varient fortement.
Un expert immobilier va prendre en compte une série de paramètres qui permettra une durabilité du résultat. Lorsque l’on évalue un bien de rendement, que nous le calculions selon la méthode de capitalisation classique ou un modèle DCF, l’hypothèse première du modèle est la pérennité du flux. En effet, le montant capitalisé et actualisé est supposé encaissé sur une période de 100 ans à l’infini selon la méthode. L’expert se doit alors d’imaginer tous les facteurs et les besoins nécessaires à l’objet évalué afin de garantir le revenu net encaissé. Bien évidemment, il n’est pas possible de prédire l’avenir mais sur la base du marché actuel et passé, il est possible d’anticiper les besoins et les tendances futur.
3 POINTS À RETENIR
Le prix et la valeur ne sont pas toujours identiques.
Le prix est basé sur des éléments du marché à court terme.
La valeur découle d’une réflexion plus durable dans le temps.
Cette durabilité n’est pas tout le temps démontrée du point de vue des acquéreurs. En effet, les exigences de placement sont telles que cet aspect passe parfois au second rang. Il a toujours été admis que l’immobilier était peu liquide et plus difficile à gérer que d’autres formes de placement. La vente d’un immeuble requiert un processus plus long que celle d’une action par exemple. Et pourtant à en observer les transactions actuelles, la pérennité de l’investissement paraît être un facteur de décision minime au vu du manque d’alternative à court terme. La situation en Suisse provoque une augmentation des investissements dans l’immobilier. Aussi, la facturation des comptes courants incite pour partie à tenter de placer ses liquidités coûte que coûte.
Cela a pour conséquence une prime de marché très importante avec des rendements bruts et nets au plus bas historiques et rendant même l’accès extrêmement difficile pour celui qui doit recourir à l’endettement. Le prix payé reflète ici la situation de marché particulière à l’instant « t » mais oublie parfois le passé tout comme la projection future. On peut donc voir en ces récentes transactions une approche basée sur le prix plutôt que sur la valeur. Que se passerait-il si les taux de capitalisation remontaient : Une baisse de la valeur du patrimoine qui rendrait à posteriori le placement moins avantageux.
Il n’y a donc pas nécessairement une corrélation entre prix et valeur. Nous pourrions définir ceci : la valeur est une constatation subjective de critères objectifs alors que le prix est une constatation objective de critères subjectifs.
Qui est Vincent Clapasson ?
Vincent a rejoint m3 GROUPE en juin 2018 en tant qu’expert immobilier. Auparavant, il a travaillé pour Acanthe SA durant deux ans déjà comme expert immobilier puis pour le Credit Suisse durant 8 ans. Il a exercé la fonction d’analyste crédit pour les professionnels de l’immobilier avant de rejoindre les experts internes du Credit Suisse. Après 4 ans, Vincent a repris la direction de l’équipe des experts internes pour la Suisse romande. Des questions ? Un bien à faire estimer ? Contactez-le.